jeudi, novembre 03, 2005

On ne pourra pas dire…

On ne pourra pas dire que je n’aurais pas vécu… Cela s’affermit depuis 3 mois.

J’ai trouvé ma nouvelle tanière, j’y vis, j’y vivrai à partir de samedi soir avec Mathésim.

Il y a eu ces deux mois d’essorage. Cette nouvelle séparation.

Il y a eu ces rencontres/retrouvailles/découverte, cette présence, ces présences, des étoiles plein les yeux.

Il y a eu mes enfants et ce jour où il faisait beau.

Il y a eu N. la fille d’Elle, lundi soir au Pescarese. Tout ce qu’elle m’a dit, cette ré-adoption comme parrain. Cet enjouement chez elle, cette submersion d’émotions chez moi.

Il y a toutes ces paroles échangées avec Elle. Cette volonté réaffirmée de rester vrais, de continuer à prendre autrement soin l’un de l’autre.

Elle et N. viennent de quitter ma nouvelle tanière. Visite de la maison, apéritif à la violette, regards. Cette situation n’est facile pour personne.

Trop de maux dans le cœur. Alors toujours recours à cette tête pour rester vivant. Camus dans le mythe de Sysiphe nous invite à imaginer Sysiphe-remonteur-de-rochers-at-vitam heureux. Alors, allons-y, envisagez Mapirle heureux.

Allez, je vous en donne un passage à méditer :

"On a compris déjà que Sisyphe est le héros absurde. Il l'est autant par ses passions que par son tourment. Son mépris des dieux, sa haine de la mort et sa passion pour la vie, lui ont valu ce supplice indicible où tout l'être s'emploie à ne rien achever. C'est le prix qu'il faut payer pour les passions de cette terre. On ne nous dit rien sur Sisyphe aux enfers. Les mythes sont faits pour que l'imagination les anime. Pour celui-ci, on voit seulement tout l'effort d'un corps tendu pour soulever l'énorme pierre, la rouler et l'aider à gravir une pente cent fois recommencée; on voit le visage crispé, la joue collée contre la pierre, le secours d'une épaule qui reçoit la masse couverte de glaise, d'un pied qui la cale, la reprise à bout de bras, la sûreté toute humaine de deux mains pleines de terre. Tout au bout de ce long effort mesuré par l'espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d'où il faudra la remonter vers les sommets. Il redescend dans la plaine. C'est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m'intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même! Je vois cet homme redescendre d'un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. A chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s'enfonce peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher."
Respect, c'est Albert Camus qui vous parle.