lundi, juin 20, 2005

Raymond

"Le vrai tombeau des morts,
c'est le cœur des vivants"
Jean Cocteau

J'ai appris ce matin la mort de mon grand père.

Je me bats dans ma vie pour me construire rencontre après rencontre. Je crois qu'au delà de la finalement fort fataliste hérédité, on peut recevoir beaucoup des gens qui nous entourent. Avec mon grand père paternel, c'est d'autant plus vrai que ce n'est pas le père de mon père. Mon grand père biologique Albert est mort peu après la guerre d'où il était revenu gravement malade Raymond mon grand père habitait la ferme d'à côté,... Après la mort d'Albert, Raymond a épousé Madeleine ma grand mère.

Quand je pense à toi pépé,

Je pense d'abord à ces histoires de guerre. Les français à cheval contre les blindés allemands. Ta captivité chez les "boches", même si dans les fermes et les usines où tu as travaillé en Allemagne tu as rencontré "beaucoup d'allemands qui n'aimaient pas Hitler".

Je me revois regarder Wimbledon avec toi, voir Boris Becker monter au filet plonger pour rattraper la balle, tomber... Et je t'entends dire "Bien fait, ils en ont fait beaucoup tombé assez pendant la guerre" C'est le parler des tripes... Les mêmes tripes qui te faisait dire par rapport à Le Pen "C'est un dangereux, c'est avec des gens comme cela qu'on va à la guerre". Ou chose encore plus imprévue une défense de l'Europe, pour un vrai peuple européen.

Je revois les parties de carte avec Madeleine, toi et tes frères et sœurs, Jeanne, Remy, Gérard...

Je me souviens des moments avec toi dans la campagne quand tu parlais des parties de chasse, du jour où "avec un coup de fusil tu as fait tomber 3 faisans" On peut être du nord de la France et déjà un peu marseillais !

J'ai eu l'occasion de vivre un peu chez toi. Une chose m'a toujours frappé. C'est la présence d'Albert - le père biologique de mon père - dans la maison même après la mort de ma grand mère. Albert et Raymond étaient voisins (2 fermes isolées à un km de distance) peut être amis avant la guerre. Un jour où nous parlions de cela tu m'as dit "Madeleine était seule, dans une ferme, avec un enfant, elle ne pouvait pas rester seule." Tu étais un homme de fidélités.

Pépé cela fait des années que tu n'étais plus vraiment avec nous. Mais ce courage, cette force, cet engagement, cette résistance qui t'ont fait tenir ces dernières années sont vraiment signe de ta vie. Je te revois sur ton lit d'hôpital émacié, vidé de toutes les forces de l'homme que tu as été.

Pépé, aujourd'hui tu es parti mais comme Madeleine tu ne nous laisses pas seuls, il y a plein de choses de toi en nous qui nous font avancer et vivre.