Christine c’est une rencontre qui date de septembre 2004 à Namur. J’arrive – très en retard - à une réunion de lancement d’une formation, le genre :
«étudiants-dites-nous-qui-vous-êtes
ou encore
Prof.-dites-nous-à-quelle-sauce-vous-allez-nous-manger».
Lors du petit verre à vocation tissage de lien de fin de réunion, je rencontre Christine qui cherchait une voiture pour rentrer sur Bruxelles. Je lui dis que pour moi c’est possible mais qu’alors j’en profiterai pour commencer mon cours dans la voiture (je suis vachement drôle comme professeur). Là, elle trouve quand même la place pour me dire qu’elle n’est étudiante mais prof ! Aïe la gaffe. Mais Christine n’est pas rancunière. Depuis cette prise de contact foireuse, depuis ce trajet jubilatoire de la rue de l’Arsenal (Namur) à la rue du Trône (Bruxelles) les structures dissipatives de nos vies ont l’occasion de dépasser le caractère aléatoire, imprévisible et irréversibles de leurs trajectoires pour créer de la nécessité réciproque. En clair, une chouette rencontre.
Décodage géographico-gustatif :
Etape 1 : Le goupil le Fol, le Falstaff (Bruxelles Centre)
Déjà l’ordre est bizarre. L’ordre est souvent l’inverse d’abord le resto ensuite le Goupil le Fol. Le goupil le fol, ses vieux fauteuils décrépis, ses vins de fruit, ses vielles musiques françaises : Léo Ferré y tient une place de choix, un soir j’ai même pu dégusté l’intégralité de et Basta ! C’est au Goupil le Fol que Christine m’a parlé avec une fougue détonante de l’influence de Kant dans l’œuvre de Kundera. J’ai pas tout compris mais cela m’a marqué.
Le falstaff dans la foulée, Brasserie à côté de la Bourse, géré par des français. On est arrivé tard c’était la carte réduite. Nous étions les derniers ont a fait la fermeture. Je me souviens des rires avec les serveurs et d’y avoir trouvé une convivialité qui fait souvent défaut à ce lieu.
Etape 2 : Le petit Village, 87 rue Froissart (Bruxelles quartier européen)
Je connais un peu le patron Kader. C’est un petit resto qui a une âmes, on va choisir ses plats dans la cuisine. Un écrin tunisien dans un quartier aseptisé.
Etape 3 : Le Charlot (Bruxelles quartier européen)
Espèce de brasserie pour eurocrates, à mon sens à oublier très vite.
Etape 4 : Le mont Liban (Bruxelles quartier Louise)
Le mont Liban, c’est le mont Liban. Mon Nirvana, la nourriture, le cadre, la danseuse du ventre (le week end), la carrure du patron (qui a des avant-bras plus gros que mes cuisses). Je me souviens rarement ce qui s’y est dit mais j’y suis toujours bien. Ce qui est sûr c’est que celui qui n’a pas mangé avec Mapirle au Mont Liban ne connaît pas vraiment Mapirle.
Etape 5 : Le Palais d’Edgmont
Et oui, le palais d’Edgmont, ce temple de la diplomatie belge. Christine était au travail, peu disponible. Acquis de la soirée :
1 – J’ai revu Charles Ferdinand un des mes anciens prof.
2 - une papotte avec un polonais qui avait bien connu Kieslowski.
Etape 6 : Easy Tempo : (Bruxelles, rue Haute)
Cuisine italienne soignée. Evitez la salle du fond, choisissez plutôt les tables en face de la cuisine vous profiterez mieux de l’ambiance. Les légumes y sont particulièrement bien préparés. La soirée s’est terminée dans un bar flamand (Christine est flamandophile. En bonne fille de l’Est (Colmar) elle a de la méthode : elle prendra la nationalité belge une fois qu’elle sera parfaite bilingue !).
Etape 7 : Le Ming Dynasty (Oude Markt 9-10 à Leuven)
Bon moi les chinois j’avoue n’y comprendre guère. Qui plus est, ma vie elle même était en train de devenir chinoise :
- c’était l’été mais il pleuvait averse,
- ma compagne s’engageait gaillardement vers de nouveaux enchantements,
- je changeais de boulot
Pas un bon souvenir question menu j’ai mangé des trucs dont ni le nom sur la carte ni le goût ne m’ont permis de me rendre compte de ce que c’était.
Etape 8 : L’Amusoir (Centre de Waterloo)
Et bien, c’était hier soir. Une Christine en pleine forme et un Mapirle au milieu de son épuisement du moment. Dos de Cabillaud, Sancerre, crème brûlée. Cuisine soignée. Faune typique du Brabant Wallon, même le gouverneur était là.
Huit étapes, autant de moments pour dire sa vie, écouté, être écouté, connaître l’autre, créer du lien. Savoureuse rencontre qui a cependant ses limites. Malgré mes admonestations, revendications et mises en garde, Christine m’a semblé hier soir structurellement décidée à se couper les cheveux. Cela risque même de se passer aujourd’hui. Alors voilà une photo in memoriam :